Le Clan du Nant

 

essai d’occupation néo-préhistorique

 

 

« Tout mon avenir (…) dépend de la découverte d’une grotte. »

 

François Augiéras, Domme ou l’essai d’occupation.

 

 

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Cet été un glissement de terrain a manqué emporter ma maison. Je suis resté à terre, les paumes dans le verre brisé, sans comprendre ce qui était en train de m’arriver : c’est bien là un des inconvénients d’avoir longtemps vécu dans des zones de trompeuse stabilité, on en oublie les réflexes de survie et la violence du monde.

Quand je me suis réveillé j’ai compris que rien ne pourrait plus être comme avant. J’ai déblayé comme j’ai pu avec mes mains saignantes, j’ai fait l’inventaire de ce qui était perdu et puis, j’ai marché vers le Nant.

 

J’ai dit :

Il n’y a plus de barrière entre mon monde et leffondrement du monde. Fou, j’ai été fou de me croire à l’abri alors que personne ne sera épargné ! Il n’y a plus de cadre qui tienne, plus de refuge nulle part, seulement l’espace hostile à l’homme, l’homme hostile à l’espace, hostile aux bêtes, hostile à l’homme, et le mal qui nous gagne.

Pour continuer à vivre il nous faut retrouver le sauvage, renouer avec la forêt, la montagne, la nuit et le jour, le soleil et la lune, l’eau et le feu. Il me faut refonder ici une autre forme d’habitation – ou, en termes plus guerriers, plus tendus, plus conformes donc à la gravité de la situation, d’occupation.

J’établis en ce jour les bases d’une autre vie plus sauvage et plus libre. Je fonde une société secrète et semi-fictive que je nomme le Clan du Nant : clan du refus enfantin que nulle raison ne saurait atteindre et nul mensonge salir, clan des rus et des ruses, clan des ondins égarés, des kamis déclassés, des chasseurs sans gibier, des chamanes sans tribu, des enfants et des bêtes, des fous, des flous, des êtres intermédiaires aux formes incertaines, des cœurs purs, des parias et des victimes de tremblements de terre.

Les membres de ce clan auront chacun un nom secret dont je n’inscrirai ici que l’initiale : pour les trois premiers, pointe de cette vie en flèche, A., B. et C.

Je suis A : affamé, ardent, absolu – et à terre.

B. éclate comme un coup de feu en automne, et réveille, est sonore.

C. avec plus de douceur mais pas moins d’ardeur a défié la mort.

Ensemble nous occuperons le Nant, remonterons les rus, établirons des campements, des bivouacs, des tracés, arpenterons les crêtes, marquerons les rochers.

 

Je garderai ici les traces publiques de cette vie cachée.

Je graverai ici les marques réelles de cette vie rêvée.

 

 

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